Pourquoi certains acides gras en excès dans une formulation assèchent-t-ils la peau?

Il y a 9 ans (déjà), lors de mes premiers pas en saponification, les ressources didactiques tant sur le net qu’en librairie faisaient cruellement défaut. Sans véritable notion, je me suis lancée dans la réalisation de mes premiers savons en suivant scrupuleusement les indications et formulations tirées notamment d’un livre aux magnifiques photos que je venais de m’offrir…

Je vous livre les ingrédients de l’une d’elles que je m’étais empressée de réaliser. Attention çà risque de piquer aux yeux et pas que…

Huile de coprah400g
Beurre de karité200g
Huile de colza200g
Huile d’olive200g
Eau de source ou distillée330g
Hydroxyde de sodium147g
Argile de 3 couleurs30g de chaque

Tout cela, agrémenté d’une petite synergie d’huiles essentielles pour le parfumer et un calcul de soude réalisé pour un surgraissage de 3%!…

Rougeurs, démangeaisons, sécheresse dès la première utilisation, résultat absolument catastrophique pour la peau hypersensible qu’est la mienne et qui m’avait à la base conduit à vouloir réaliser mes propres savons pour pouvoir y remédier.

Pour le coup, c’était un peu raté et il faut avouer qu’avec des connaissances un tant soit peu sérieuse en la matière, je n’aurais jamais suivi cette formulation pour des raisons plus qu’évidentes. Non seulement par sécurité, il est recommandé d’appliquer au minimum une réduction de soude de 5% mais également de ne pas dépasser 30% du poids total des corps gras pour l’huile de coco sous peine d’avoir un savon trop détergent et agressif pour la peau… Encore aurait-il fallu que çà soit signalé quelque part dans ce livre…

Voyons un peu ce que SoapCalc nous en dit:

Inutile d’épiloguer sur les résultats obtenus, la teneur en acide laurique ainsi qu’en acide myristique (bien qu’il soit un peu moins irritant) étant excessive, le pouvoir nettoyant du savon dépasse largement la valeur recommandée.

Pour rappel, ces deux acides gras sont dits saturés et contribuent également à la dureté du savon. Composants majoritaires de l’huile de coco sous toutes ces formes (vierge, coprah, monoï de Tahiti, beurre d’aloé vera pour ne citer que ceux que je connais), on les retrouve également en quantité assez similaire dans l’huile de babassu, l’huile de cohune (palmier originaire du Mexique et de certaines parties de l’Amérique centrale), l’huile de noyau de palme (autrement appelée huile de palmiste ou palm kernel oil en anglais, utilisée dans la fabrication des savons industriels, à ne pas confondre avec l’huile de palme qui a pour acide gras saturé majoritaire l’acide palmitique), le beurre de murumuru et enfin le beurre de tucuma. Je terminerai par signaler que l’huile de baies de laurier, utilisée dans la fabrication du fameux savon d’Alep, en contient une quantité non négligeable.

Cette hostilité s’explique par la composition de leurs chaînes carbonées (12 atomes de carbone pour l’acide laurique et 14 pour l’acide myristique) qui facilitent leur solubilité et augmente ainsi le niveau du détergence des sels de savons. Beaucoup plus gourmands que les acides gras à plus longues chaînes carbonées, ils ne se limitent pas juste à débarrasser la peau de ses impuretés mais risquent également d’éliminer les graisses constituant le film hydrolipidique sensé la protéger… Cette pauvre peau se retrouvant pratiquement à nu nous crie son désespoir en devenant sèche et rouge…

Il n’en demeure pas moins que ces deux acides gras saturés restent incontournables en savonnerie de par la merveilleuse mousse qu’ils procurent et, en association avec des acides gras insaturés, donneront un excellent savon s’ils sont utilisés dans de justes proportions.

A savoir également que certains contournent le problème en pratiquant une réduction de soude pouvant aller jusque 30% à 50% mais quand on a une peau sensible, rien n’y fait… Et le but final n’est-il quand même pas celui d’avoir un savon équilibré…

Bullez bien…

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2 commentaires sur “Pourquoi certains acides gras en excès dans une formulation assèchent-t-ils la peau?

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  1. J’espère que les autres recettes de ce livre ne piquaient pas autant…

    Je me suis également « laissée séduire » par quelques formulations, à mes débuts, en particulier des 100% coco surgraissés de manière Pharaonique, croyant au St Graal du savon idéal pour les petites bourses.

    Il est bien dommage que de tels « ouvrages » induisent en erreur +++ les débutants
    Merci pour cet article très pertinent !

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    1. Bonjour Asia,

      Je ne parlerai pas d’erreur proprement dite mais plutôt de culture et d’évolution savonnière DIY…

      L’émergence des tensioactifs de synthèse au pH dit « neutre » au siècle dernier et le marketing tapageux mettant au banc le bon vieux savon a eu des répercussions sur sa « production maison ». C’est grâce à la naissance des mouvements écologiques tant aux Etats-Unis qu’en Europe dans les années 1980-1990 que ses lettres de noblesse lui ont été peu à peu restituées…

      Les premiers savonniers artisanaux à sortir de l’ombre sont au départ américains. Le mouvement s’est ensuite étendu en Australie, en Angleterre et enfin, à d’autres pays d’Europe fin des années 1990. C’est donc relativement récent…

      A savoir que chaque contrée à sa façon de voir les choses. Les anglo-saxons (ma première formulation est tirée de l’un de leurs livres) aiment les savons qui moussent +++ et adoptent un surgraissage relativement bas. Ce n’est pas forcément mauvais mais pas juste adapté à tous les types de peau. Même si tout n’est pas parfait, on peut néanmoins les remercier d’avoir remis au goût du jour la production de savon maison.

      De plus, à mon humble avis, le calculateur utilisé a certainement des répercussions sur les différents paramètres de la formulation comme en témoigne Mendrulandia (largement plébiscité par les francophones) et ses fameux chiffres verts !…

      Comme je le dis souvent, « des goûts et des couleurs, on ne discute pas »… Le tout, c’est de faire la part des choses et d’adopter, ce qui nous convient le mieux…

      Cordialement.
      Marie

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